Ici, la vue est imprenable

Erwan Venn

Du parcours aux dessins.

Eternal Gallery participe, pour la deuxième année, au parcours Prétexte, initié par une dizaine de lieux d’expositions de la Métropole tourangelle. Après Babi Badalov, c’est l’artiste Erwan Venn qui est invité à présenter son travail de dessin.

Sur les ruines.

La mémoire des traumatismes liés à la deuxième guerre mondiale hante la plupart des travaux d’Erwan Venn. En 2013, il entreprend un incroyable inventaire des ouvrages de guerre (blockhaus, tobrouks, postes de tir...), sur la façade atlantique, par le biais du dessin. Cette activité première et immédiate permet d’opposer la légèreté du papier et du médium à ces lourdes ruines en devenir. Sans fascination morbide, l’artiste les replace dans leur contexte actuel, la nature (re)poussant autour, certains tagués, d’autres s’érodant...

Une part d’enfance.

Erwan Venn présente deux autres séries de dessins, témoignant elles aussi de corps malmenés, empêchés, dressés, des images oscillant entre tendresse et effroi. Maladies orphelines (1997-2007), débutée quand l’artiste travaillait dans un centre médical pour handicapés. Chaque jour, il faisait un portrait de l’un d’eux, à la mine de graphite. En 2006, il dessine, à l’ordinateur, les outils orthopédiques qu’ils utilisaient. Présentés côte à côte, ces dessins frappent par le contraste entre la froideur des prothèses et la sensibilité des portraits. Enfin, pour Petits Bretons (2016), Erwan Venn extrait un à un les portraits d’enfants d’une photo de classe de 1910, en oblitérant l’iris de leurs yeux.

L’étrangeté qui s’en dégage révèle aussi des corps abîmés par une école républicaine qui voulait prendre soin d’eux tout en en faisant de bons futurs petits soldats, ceux-là mêmes qui seront forcés, 30 ans plus tard, à construire des bunkers pour les nazis.

Enfin, la chapelle Saint-Libert, qui accueille un dessin de chaque artiste exposé dans le parcours Prétexte, montre une gravure d’Erwan Venn. Celle-ci représente une photographie extraite d’un journal publié au moment de la libération, entre 1944 et 1945, lors d’un bombardement. L’explosion rend la gravure quasiment abstraite avec ces lignes graphiques, témoignage de l’effacement brutal d’un passé, mais aussi du présent de l’occupation.