La Comédie humaine

Le contexte

L’occasion d’une célébration

Honoré de Balzac est né à Tours en 1799. Pour fêter les 220 ans de sa naissance, en 2019, la Ville de Tours souhaite organiser un certain nombre de festivités. Célébrer Balzac, écrivain universel et emblématique, dans la ville de sa naissance, doit inciter les Tourangeaux à le découvrir ou le redécouvrir, pour se l’approprier. La commande d’une œuvre, célébrant l’homme et son œuvre, a pour objectif d’inscrire durablement l’écrivain comme l’une des icônes de la ville et d’identifier Tours comme la ville de Balzac.

Force, volonté, énergie, vitalité, invention, modernité caractérisent l’homme. Balzac exprime le présent en mouvement. Il est le témoin de la vie moderne.

Histoire d’une commande d’œuvre

Les monuments à Balzac sont un sujet en soi. Plusieurs projets ont en effet vu le jour dès sa mort, mais le premier à avoir été réalisé fut celui de Paul Fournier pour la Ville de Tours, inauguré en 1889. Le monument fut fondu en 1942 pendant la guerre. Il n’est pas possible d’en faire un nouvel exemplaire car le modèle en plâtre n’est pas conservé.

Tours avait fait honneur à Balzac une deuxième fois en apposant sur sa maison natale, rue Nationale, un relief créé par François Sicard. La destruction de la maison dans l’incendie de 1940 entraîna la dépose de cette œuvre, aujourd’hui exposée au musée Balzac de Saché.
La Ville de Tours n’ayant dès lors plus de monument à Balzac, plusieurs projets ont émergé au fil des décennies pour en créer un nouveau - le plus intéressant fut certainement celui que Marcel Gaumont, grand sculpteur tourangeau, proposa en 1949, en vain, faute d’une souscription à la hauteur et d’une entente quant au lieu d’installation de l’œuvre.

La commande

Aujourd’hui, de nouveau, la Ville de Tours souhaite rendre hommage à Balzac par une œuvre pérenne.

Balzac n’a sans doute pas la place qui lui revient dans l’esprit et le cœur des Tourangelles et des Tourangeaux. La statue de Paul Louis Fournier a été fondue pendant la Seconde Guerre mondiale dans une relative indifférence.
Le propos est d’évoquer l’homme et l’influence de son œuvre, notamment cette volonté de l’écrivain de rendre compte de la société de son époque. En cela La Comédie humaine est un ensemble emblématique.

Le cahier des charges

L’œuvre devra valoriser Balzac, son œuvre, son esprit. De manière générale, Tours et la Touraine constituent une terre d’écrivains. Le territoire est très marqué par la Loire, les jardins, les châteaux, la langue française, l’art de vivre à la française..., que Balzac a immortalisés dans ses écrits.
L’œuvre devra être un marqueur urbain, qui parle à la population au quotidien.

Elle devra personnaliser le site d’implantation par une intervention permettant de renforcer le caractère d’appropriation des passants, d’offrir un espace remarquable, accueillant et valorisant aux visiteurs occasionnels.
Le lieu retenu pour installer cette œuvre est l’actuel jardin de la Préfecture. Situé en face de la gare SNCF conçue par Victor Laloux et le long du centre des congrès dessiné par Jean Nouvel, le jardin de la Préfecture est au cœur du centre-ville.

Le concours

Mai 2018 : Eternal Network remporte le marché public d’appel à Assistance à Maîtrise d’Ouvrage lancé par la Ville. L’association a donc pour mission d’accompagner la municipalité de la rédaction du concours jusqu’à l’inauguration.
Juin 2018 : Lancement de l’appel à candidature pour les artistes.
Juillet 2018 : Jury (composé d’élus, de spécialistes de Balzac et d’experts en art contemporainNOTE) pour retenir quatre artistes.
Octobre 2018 : remise des quatre projets artistiques.
Novembre 2018 : présentation publique, dans le hall de la mairie, des quatre études.
Décembre 2018 : Jury de sélection qui désigne Nicolas Milhé lauréat du concours.

Le projet de Nicolas Milhé

DÉMARCHE

Nicolas Milhé manipule les formes symboliques du pouvoir pour mieux les retrancher dans leurs contradictions et paradoxes. Au travers d’installations monumentales, de sculptures, de vidéos..., architectures militaires, devises ou drapeaux deviennent les cibles de nombreux détournements, sans jugement, mais avec une véritable interrogation sur le statut de la chose publique.

L’HÉRITAGE DE RODIN

Il lui a semblé difficile dès le début d’envisager un projet sculptural où la figure de Balzac serait utilisée frontalement. En effet, le « Monument à Balzac » conçu par Rodin a marqué l’histoire de l’art par sa modernité en se décalant de la représentation : il a développé à l’excès les expressions du visage au-delà des logiques de figuration du XIXème siècle et a sculpté la matière et le volume du corps de manière quasi abstraite, par l’utilisation enveloppante de sa robe de chambre, afin de devenir une silhouette iconique.

Là où Rodin a synthétisé deux options sculpturales essentielles de la modernité, Nicolas Milhé a envisagé le projet autrement. Lors de la visite du jardin de la Préfecture, il lui est apparu évident de penser cette proposition autour d’un groupe de sculptures se répartissant dans les différents espaces, si strictement structurés.

UN CASTING DE TOURANGEAUX

Nicolas Milhé a choisi de représenter cinq personnages emblématiques de La Comédie humaine et/ou ayant un lien avec la Touraine. Il a organisé un casting pour sélectionner cinq Tourangelles ou Tourangeaux, qui ont servis de modèles pour réaliser des sculptures en bronze, qui sont juchées sur des socles en marbre et réparties autour de l’axe central du jardin.

ANACHRONISME

Ces personnages sont habillés de vêtements de notre époque. L’ambition d’une commande publique est d’être comprise par les gens de son époque. En arrachant Balzac à l’histoire et en le déplaçant temporellement, c’est à une sorte d’immortalité qu’on le livre. Représenter aujourd’hui les personnages des romans de Balzac en cherchant à historiographier les costumes serait forcément voué à l’échec. Les rapprocher de nous, au contraire, aura plus de chance d’éveiller l’attention et l’empathie de nos contemporains.

Beaucoup d’œuvres de Nicolas Milhé sont parcourues par la notion d’anachronisme. Il manipule librement des éléments d’époques et de cultures variées créant des modes de lecture non linéaires, lui permettant d’user de subjectivité.

Il compose, ici, un portrait en creux de Balzac à travers ses propres personnages.

UN ANTI-MONUMENT ?

Si l’artiste reprend des codes de la statuaire traditionnelle – une effigie, en bronze, sur un socle en marbre, commémorant un personnage célèbre –, il contre-balance la notion de monument par la petite taille des sculptures (60 cm). Leur socle d’1,10 m les place à hauteur d’yeux. Nicolas Milhé écarte le pouvoir écrasant du « devoir de mémoire » des sculptures qui dominent le spectateur, rendant ces personnages humbles et accessibles, de simples citoyens.

ALLIER TECHNIQUES DE POINTE ET TRADITION

Les personnes retenues lors du casting sont scannées en 3D. Puis, à partir de ce fichier numérique, une sculpture est réalisée en matériau composite (stéréolithographie), qui serve de positif pour la réalisation d’un moule en plâtre. Le bronze est coulé dans ce moule.

Ensuite, chaque sculpture en bronze est scellée à un socle en marbre.

LES PERSONNAGES

Henriette de Mortsauf : femme vertueuse qui incarne la douceur, l’élégance, la grâce.
Mademoiselle Sophie Gamard : femme acariâtre, sèche.
Eugène de Rastignac : jeune homme ambitieux attiré par l’argent, la réussite sociale et professionnelle.
l’Abbé Birotteau : Curé de Tours - personnage naïf, résigné, innocent.
le Père Goriot : incarne la paternité, la générosité, la bonté.

INAUGURATION LE 23 NOVEMBRE 2019 Á 11H AU JARDIN DE LA PRÉFECTURE.