La Maison Quart Monde

ATD quart monde

Fondé en 1957 par Joseph Wresinski avec les habitants d’un bidonville de la région parisienne, le mouvement international ATD Quart Monde a pour objectif de détruire l’extrême pauvreté.
Ensemble, les membres, par leurs actions, peuvent reprendre la parole qui leur a longtemps été confisquée, faire valoir leurs droits et retrouver leur place de citoyen.

Le contexte de la commande

En 1965, le mouvement s’implante, à Rennes, dans un quartier très pauvre. En 1978, la maison Quart Monde, située en plein centre de Rennes, est achetée pour que le mouvement puisse affirmer son identité auprès des familles du Quart Monde et de l’opinion publique. Aménagée par les membres du mouvement, elle a vu de nombreuses personnes lutter pour retrouver leurs droits et leur dignité.
Au moment des travaux de rénovation indispensables, des membres ont eu envie de « beau pour la maison Quart Monde », pour symboliser l’espoir qu’ils mettent dans l’action du mouvement : la lutte contre la misère.
Un groupe de travail s’est constitué fin 2012, pour élaborer un projet de commande d’œuvre à un artiste.
Le groupe a commencé un travail préalable de découverte et de confrontation à l’art, au cours d’expositions commentées et interactives avec des professionnels (Fonds Régional d’Art Contemporain, Champs Libres, Musée des beaux arts et plusieurs galeries de Rennes …). Ces actions avaient pour but de « se faire l’œil », et permettre la prise de parole des membres du mouvement confrontés à des œuvres d’art. Une convention a été signée avec le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC), en Mai 2014. Elle permet aux membres du mouvement d’avoir accès aux expositions, commentées par un médiateur culturel. Un partenariat s’est installé : prêt d’œuvres pour la maison. Quart Monde, initiation au commissariat d’exposition etc.

La procédure

Le groupe s’est tourné vers Eternal Network, médiateur agréé par la Fondation de France pour l’action Nouveaux commanditaires, qui a déjà réalisé un certain nombre de commandes en Bretagne, en relation avec des questions de société, d’amélioration du cadre de vie ou de travail, d’un besoin de mémoire.
La procédure inédite des Nouveaux commanditaires est de permettre à des citoyens de passer commande à un artiste pour qu’il traduise leurs préoccupations, dans une relation de confiance et de complémentarité.

La commande

Le point de départ de ce projet a été la rénovation et la remise aux normes indispensables de la maison ATD Quart Monde à Rennes, ce qui a conduit les membres à la quitter pendant les travaux, et à retrouver une maison qui n’est plus la même, mais qui pourtant garde la marque de tous ceux qui l’ont fréquentée, qui ont appris à dire ce qu’ils pensent et se sont mobilisés pour défendre les droits de tous.
La parole des membres a exprimé leur difficulté à quitter ce lieu important, témoin de leur parcours, cet évènement les renvoyant à leur histoire : ils ont souvent été placés et ballotés dans différents lieux d’accueil. Certains n’ont aucune photo de famille.
S’est exprimée la volonté de s’approprier la nouvelle maison en y installant une œuvre d’art.
Parce que chacun a le droit d’accéder à l’art et à la culture, parce que les membres veulent du beau, en résonance avec des vies difficiles, parce qu’avec ATD Quart Monde, on retrouve sa dignité, l’estime de soi, la possibilité de parler et d’être écouté, la possibilité d’avoir des envies, de les partager et parfois de les réaliser.

Le cahier des charges

« Nous voulons une œuvre co-décidée.
Une œuvre extérieure, visible de l’impasse, forcément sur le mur de la maison, puisqu’il n’y a pas de terrain. Elle doit intégrer la porte d’entrée et le porche.
L’œuvre doit attirer l’œil et donner envie aux passants de regarder et d’entrer dans la maison .
Des mots ont souvent été entendus, lors des séances de travail : « couleurs », « reflets », « lumière ».
L’œuvre doit être porteuse d’espoir.
Elle doit affirmer la présence d’ATD Quart Monde dans la ville.
Nous souhaitons des matériaux de bonne qualité, qui montrent la valeur de l’œuvre, la valeur de notre démarche.
Sur une proposition du médiateur l’art Baptiste Debombourg a été choisi pour réaliser cette commande.

La réponse de Baptiste Debombourg

« reconstruire quelque chose de cassé »

Depuis l’origine, le mouvement ATD Quart Monde revendique l’art et la culture comme moteur de ses actions. Pour Joseph Wresinski, le fondateur : « Il ne s’agit pas de distribuer de la culture mais de permettre à toute une population de se savoir sujet de culture, homme de culture ».
Partant de la série Césium, des miroirs brisés reconstitués en volumes évoquant des masques, Baptiste Debombourg s’est inspiré des commanditaires, des personnes cassées par les difficultés de la vie et qui se reconstruisent avec ATD Quart Monde. Ainsi, pour la façade de la maison, l’artiste propose une œuvre constituée de facettes miroitantes, agencées les unes aux autres, prenant la forme complexe et accidentée d’un diamant qui se déploie comme pour révéler son intérieur. Le matériau est un miroir en aluminium composite.

Baptiste Debombourg a répondu à la demande des commanditaires qui souhaitaient que l’œuvre soit visible mais en même temps intégrée, tout en gardant l’idée de mettre en lumière la maison qui se trouve dans une impasse.
L’œuvre enveloppe la façade du bâtiment, mais elle ne s’impose pas, car elle prend les couleurs de la vie environnante qu’elle reflète. Le passant est interpellé par ce jeu de lumière et de reflets qui l’invitent à pousser la porte de la maison et à y découvrir les actions. Le projet est de construire une sculpture dynamique, qui change constamment, par son interaction avec la lumière.
L’œuvre revendique sa singularité et par là même la singularité de la maison. Elle semble venir d’ailleurs – le matériau est absent du quartier – et en même temps, elle ne peut exister ailleurs car modelée spécifiquement pour la façade.
L’intervention artistique de Baptiste Debombourg vient révéler la modeste maison et interpelle les passants.
L’œuvre apparaît comme une roche qui se serait transformée et se serait cristallisée sur une partie du bâtiment, comme un diamant brut. Elle naît de l’architecture même, avec laquelle elle fait corps et se déploie en étoile. Sa peau de miroir est son aura, la condition de son apparition.
En donnant à cette sculpture une forme rappelant le cristal, l’artiste veut recentrer l’attention de cette rue autour d’une forme d’apparition dans le paysage qui, par son aspect lumineux, devient un repère dans le quartier, et au-delà, dans la ville.
Baptiste Debombourg a également imaginé la plaque, avec le nom ATD Quart Monde, dans le même matériau miroir.
Elle sera apposée sur la porte d’entrée.
À l’image de la politique d’ATD Quart Monde qui invite à échanger et à respecter le regard de l’autre, l’œuvre ne délivre pas un message unique et simpliste. Elle reste ouverte aux interprétations multiples.