
Le Catoblépas
Marion Verboom
Faire du lieu de vie des personnes polyhandicapées un espace plus familier, convivial et stimulant.
Le contexte
La Maison d’Accueil Spécialisée Les Romans, un écrin pour des personnes fragiles
La MAS est implantée sur les hauts de Saint-Hilaire Saint-Florent, commune associée à la ville de Saumur, dans le Maine-et-Loire.
Cet espace de 3 500 m² forme un ensemble moderne, spacieux et fonctionnel, agréable et lumineux.
La maison Les Romans accueille des personnes adultes polyhandicapées, à partir de 20 ans et sans limite d’âge qui n’ont pu acquérir une autonomie suffisante et dont l’état de santé requiert un accompagnement de proximité et des soins constants.
Le bâtiment est situé au centre d’un parc engazonné et semi boisé, clos. Les locaux se distribuent en fonction des six unités de vie qui forment les pôles de la maison.
Un lieu propices à des commandes artistiques
À l’origine, la MAS des Romans est constituée de 4 unités. Un couloir circulaire dessert les unités de vie et les différentes salles de l’établissement. Elle représente le lieu de vie principal des résidents. Une extension de deux unités a ouvert en octobre 2016, pour accueillir deux groupes d’adultes. L’ancien établissement est donc à présent relié à cette extension par un petit hall d’entrée, prolongé par un long couloir. Et en 2019, deux autres unités vont être construites.
C’est à partir de ce chantier qu’est né le désir de faire appel à des artistes pour accompagner la création de ces nouvelles extensions. Le personnel a souhaité devenir acteur de son lieu de travail et favoriser le lien social avec les résidents. Car, dans un établissement forcément médicalisé, il n’est pas facile d’y trouver un cadre domestique réconfortant.
L’art pour faire société
Des animat·eurs·rices, une infirmière, une chefe de service, l’ergothérapeute, le directeur, des aides médico-psychologiques se sont regroupés pour définir les besoins liés à leur désir de faire entrer l’art dans l’établissement.
Ils ont rencontré le médiateur de l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France, Éric Foucault, pour formuler ces demandes en commandes artistiques.
Deux projets se sont alors dessinés. L’un à l’intérieur des bâtiments, l’autre pour le parc. Sur une proposition du médiateur, les commanditaires ont choisi de travailler avec l’artiste Sammy Engramer pour le couloir et avec Marion Verboom pour le parc.
La Galerie des bulles, de Sammy Engramer a été inaugurée en octobre 2017.
La commande
Sortir du cadre médical
Les résidents de l’établissement, très dépendants, sont accompagnés pour tous les actes de la vie quotidienne et stimulés en permanence pour maintenir leur autonomie voire la développer et « activer » leurs sens. Ainsi, chaque moment partagé peut leur apporter des sensations de bien-être et de plaisir.
Aux romans, le parc permet de sortir un peu du cadre hospitalier, une petite bulle naturelle pour se détendre ou faire de l’exercice. On y fait des balades individuelles avec les résidents en fauteuil ou en petits groupes avec les personnes marchantes. Les commanditaires souhaitent donner un peu plus « d’envie » et de sens à ses sorties en mettant en avant les capacités des résidents. L’idée d’un espace sensoriel dans le parc a ainsi germé.
Le cahier des charges
Un espace qui accrocherait le regard et susciterait la curiosité. Visible de l’extérieur et vers lequel on se dirigerait, mais qui s’intègrerait aussi dans le paysage.
Cet espace sensoriel donnerait du sens et « des sens » lors des balades avec les résidents sur le site. Pour les familles aussi.
Quelques Critères sont incontournables et spécifiques aux résidents : accessibilité/sécurité ; pérennité (pas fragile, peu d’entretien) ; pas trop de stimulations sensorielles dans un même espace en même temps.
Une œuvre qui puisse être visible quand on arrive sur le site, à même de donner une identité aux Romans dès l’entrée.
Le médiateur des Nouveaux commanditaires leur a alors proposé de travailler avec l’artiste Marion Verboom, dont le travail sculptural permet une approche sensorielle, voire sensuelle avec les matériaux. Ses sculptures hybrident des formes empruntées à l’histoire de la sculpture, à l’architecture et à la géologie dans des rapports de matières jouant parfois en trompe-l’œil.
Le catoblépas, une drôle de folie architecturale
Marion Verboom s’inspire du Catoblépas, cet animal mythologique, bête patibulaire, à la fois tendre et féroce. Ces membres sont disproportionnés, sa tête est pesante si bien qu’elle est toujours inclinée vers le sol.
Constatant que certains résidents sont contraints par leur corps, parfois n’ayant pour seul horizon que le plafond ou le sol, que leurs modes de déplacement les obligent à circuler sur des espaces larges, ou bien qu’ils doivent faire régulièrement des poses..., l’artiste a anticipé sur ces différents comportements.
Elle propose une série de sculptures qui, ensemble, forment un espace appréhendable par la vue, par le toucher, permettant de s’asseoir, de circuler en fauteuil et de se livrer à certains exercices : passer son bras entre deux éléments, se baisser ou se hisser, se faufiler entre les formes..., tout cela en parfaite sécurité, notamment grâce au sol en caoutchouc.
L’œuvre forme un objet insolite, visible de l’extérieur. Vue de loin, on perçoit une architecture géométrique, mais quand on se promène dedans, les différents détails de reliefs, de matières et de couleurs représentent un véritable outil pour les animateurs, les sensations étant le principal vecteur de communication avec les résidents.
Les propriétés matérielles des sculptures permettent des jeux tactiles, entre rugosité, douceur, sensualité, froid, chaud..., mais aussi des jeux de lumière, de transparence et de couleur, convoquant de multiples stimulations visuelles et tactiles pour des personnes qui aiment toucher, saisir, s’agripper...
L’ensemble est très géométrique, en contraste avec la végétation du parc.
Une œuvre vraiment pour tous !
En dehors des accompagnements liés à la vie quotidienne, les activités proposées concernent principalement l’éveil sensoriel. Les personnes polyhandicapées n’ayant pas, pour la plupart, de capacités d’abstraction ou de possibilité d’accès au symbolique, il s’agit alors de procurer des sensations et de mettre en éveil les sens : les couleurs, les sensations de chaud, de froid, les éléments visuels (le transparent, l’opaque), les sons, les odeurs, etc…
Et c’est justement dans ce registre que le projet de Marion Verboom prend tout son sens. L’art doit rester accessible aux personnes polyhandicapées, non pour l’intellectualiser ou le conceptualiser, mais simplement pour le ressentir, s’y imprégner de tous ses sens. Beaucoup de temps est consacré à satisfaire les besoins physiologiques et de sécurité des résidents. Mais il est tout aussi important de pouvoir répondre à leur besoin d’épanouissement.
Frédéric Poignant, directeur des Romans.
Le catoblépas, une œuvre sur-mesure
L’œuvre qu’imagine Marion Verboom semble d’une grande simplicité grâce à des formes minimalistes, mais elle est dotée de nombreux détails, aussi bien dans l’exécution, que dans les matières, les couleurs et les reliefs. Chaque élément est minutieusement étudié avec le personnel qui a donné des conseils et avis quant à l’usage futur qu’ils en feront avec les résidents. Quelles dimensions pour faire passer les fauteuils, quelle hauteur pour ne pas se cogner...? Et l’animatrice pense déjà à des activités à organiser autour et dans l’œuvre !!
Éric Foucault, médiateur d’Eternal Network.
La production de l’oeuvre
Une étude technique a été mise en place avec le concours d’Alain Fidanza (architecte) et de Timothée Bind (ingénieur). L’artiste travaille actuellement avec des artisans pour envisager les techniques et matériaux qui donneront le meilleur rendu tout en s’assurant de leur pérennité et de leur solidité.
Artiste :

Lieu
Maison d’Accueil Spécialisée Les Romans, Saint-Hilaire Saint-Florent (49).
Dates
en cours, initié en 2016.
Commanditaires
Magali Beaumont (ergothérapeute), Sébastien Jauneau (AMP), Claudie Leroux (ME), Janique Métayer (AMP), Florence Perrot-Gourcy (CS), Frédéric Poignant (Directeur), Martine Tharreau (infirmière), Sandra Weiss (animatrice)
Médiateur
Éric Foucault (Eternal Network)
Partenaire
Fondation de France, Fondation La Famille, Fondation Daniel et Nina Carasso, ARS Pays-de-la-Loire, Commune de Saint-Hilaire Saint-Florent, association Les Récollets